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🇹🇭 12. Dernier round à Bangkok

Dernière mise à jour : 27 janv. 2024


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1411, royaume d’Ayutthaya. À la mort du roi Sen Muang Ma, ses deux fils se battent pour le trône. La rivalité fratricide ne se résout pas dans la guerre et un duel entre deux boxeurs est organisé. Le match tourne à l’avantage du boxeur du prince Ki, une technique nouvelle qu'il a créé et qui fera école après sa victoire : le Muay-Thaï. Un roi est né, un sport national aussi.


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Cette légende qui nourrit une abondante littérature en Thaïlande n'est peut-être pas tirée de fait réels, mais elle en dit long sur l'importance de la boxe dans l'identité Thaïlandaise. Depuis le XVIème siècle il est d'ailleurs avéré que le Muay-Thai faisait partie de l'entraînement militaire des soldats du royaume et était très populaire dans tout le pays. Le roi Pra Chao Suan était d'ailleurs réputé comme un combattant hors pair qui n'hésitait pas à descendre dans l'arène. Une autre légende très connue en Thaïlande raconte l'histoire d'un soldat, Naï Khanom Tom, qui fut capturé par les birman à la chute d'Ayutthayua en 1767. Sept ans plus tard il réapparu lors d'un combat resté fameux devant le roi de Birmanie qui l'opposa au plus grand champion du pays. Il dansa avant le combat et le remporta rapidement. Le roi birman, étonné et humilié, demanda d'interdire la danse et demanda à un, deux, trois, quatre, puis jusqu'à neuf champions de l'affronter. Sans repos entre les combats, tous firent mis K.O. Il affronta enfin un grand professeur de kickboxing qu'il mis à terre à force de coups de pieds puissants. Personne ne voulu combattre après, et le soldat retrouva sa liberté. Véritable "père du Muay-Thai" en Thaïlande Naï Khanom Tom est célébré dans tout le pays chaque année, le 17 mars, lors de la "fête des boxeurs".


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Aujourd'hui le nombre de pratiquants hebdomadaires est estimé à 1 million en Thaïlande. Sport olympique depuis 2021, populaire dans toute l'Asie, il est surnommé "l'art des huit membres" du fait qu'il utilise poing, coudes, genoux, tibia, cou de pied, talon et plante. En fait, seuls les coups de tête et d'épaule sont interdits. Le coup de pied circulaire est souvent le coup de base du combattant. Les deux stades les plus importants de Thaïlande sont Lumpinee et Rajadamnoen à Bangkok ; connus dans le monde entier. Rajadamnoen est le plus ancien et prestigieux des deux, il est aussi géré par l'armée royale thaïlandaise. C'est ici que se terminera, ce soir, notre voyage.


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8h30. Nous nous réveillons au 74ème étage de notre hôtel.


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La météo est brumeuse mais semble en train de se lever. La vue est un petit peu malmenée par une publicité géante collée sur notre fenêtre (les petits trous permettent de voir mais brouillent un peu le spectacle) mais on est hypnotisé par la circulation frénétique et l'allure de la mégalopole.


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Difficile d'ailleurs de décrire Bangkok, tant la ville est un mélange d'ordre et de désordre.


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D'un côté, il y a le charme des canaux, la beauté paisible des temples, la modernité des grattes-ciel, le chic des grands magasins où s'affichent les fashionistas, les odeurs de nourritures savoureuses, de cafés huppé, des arbres géants au milieu de la ville, des marchés en tout genre, de beaux salons de massages et spas...




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Simultanément, c'est aussi le bruit d'une ville grouillante, un désordre automobile immense, des fils électriques en pagaille qui saturent l'espace (aucune ligne n'est enterrée), des bâtiments à l'abandon, des rues de fêtes décadentes, une certaine pauvreté (en 2021 le PIB/hab était de 6000€ en Thaïlande contre 34 000€ en France ou 61 000€ en Suisse).


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Comprendre Bangkok c'est ainsi faire l'expérience d'une autre réalité de la Thaïlande. Le pays été classé en 2018 "pays le plus inégalitaire du monde" par le Crédit suisse. Le rapport Global Watch Databook révèle ainsi que 1% des Thaïlandais les plus riches contrôlent 66,9% des richesses du pays, devançant dans ce classement les Russes, les Indiens et les Turcs. Nous voyons cela depuis la baie vitrée du petit déjeuner où se succèdent d'immenses grattes ciel dorés avec gigantesques piscines et des zones en friches où vit une population très défavorisée.


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Dernier jour oblige, nous repartons à l'assaut de la ville un peu tard (notre vol est programmé à 3h40 du matin le lendemain) et vers 10h nous déposons nos bagages à la conciergerie de notre hôtel. On a juste le temps de s'étonner de voir un practice et un mini golf au vingtième étage de l’hôtel.

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Au 16ème jour, la Thaïlande et Bangkok commencent à nous sembler un peu plus familière. On reprend le bateau des khlongs pour la troisième fois en 2 semaines, on commence à maîtriser le remerciement ("Kop khun krap" et le Wai, la salutation par les mains), le bonjour ("Sawatdii Khrap"), l'art de se faufiler entre les voitures... On part donc à l'aventure en mettant cap sur le Wat Pho, le principal temple du pays, mais en se laissant la liberté des découvertes sur le chemin.


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À la sortie du bateau, nous nous arrêtons au Wat Suthat puis au Wat Ratchabophit, deux temples peu touristiques, fréquentés par les locaux, pas très loin de l'hôtel de ville à l'architecture insignifiante.


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Le Wat Suthat se distingue, à l'extérieur, par la présence d'un portique rouge gigantesque qui était autrefois le lieu d'un étonnant rituel brahamique ("Triyamphawaitripawai").


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La porte rouge nommée Sao Chin Cha, construite en 1784 sous Rama 1er, était en fait une balançoire géante (21,5 mètres de haut sur un socle de 10 mètre de large). Symbole de la capitale, la cérémonie hindoue (et non pas bouddhiste) célébrait la descente du jovial Shiva sur terre. Acrobaties et balancements participaient au divertissement du dieu. Sur un bambou accroché sur l'un des mats étaient suspendus des sacs contenant des pièces d'or qu'il s’agissait de décrocher au passage, tout cela pour amuser Shiva. Les accidents mortels étaient fréquents ce qui conduira à l'interdiction de cette cérémonie en 1935.

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Nous visitons ensuite le Wat Suthat, grand temple royal et monastère, qui nous étonne notamment par la présence de 80 statues à taille humaine priant autour de Bouddha.


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Plus loin, nous atteignons le Wat Ratchabophit que nous visitons également. Très beau, le temple est magnifique avec de remarquables peintures murales et un Chedi de 43 mètres de haut.


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Les portes, de 3 mètres de haut, sont d'une grande finesse avec de la nacre et des médaillons aux motifs vernis. Un des plaisir de Bangkok est ainsi d'aller de découvertes en découvertes, même sans plan préétabli.


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Un peu avant midi nous atteignons le Wat Pho qui était l'objet de notre déambulation. Situé à deux pas du Palais Royal, c’est un des plus vastes temples du pays. Édifié au XVIeme siècle, à l’ère d’Ayutthaya, il fut presque entièrement reconstruit par Rama Ier quand celui-ci fit de Bangkok la capitale du royaume.


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Il doit sa réputation à son immense bouddha allongé qui mesure 46 mètres de long pour 15 de haut, représentant bouddha sur son lit de mort en train d’atteindre le parinirvâna. Ses pieds chaussés de sandales sont incrustés de nacre et représentent les 108 états nécessaires au bouddha pour atteindre l’éveil. On notera par ailleurs que ce nombre, 108, est sacré dans toute l’Asie. Les dieux hindous ont ainsi 108 noms, il y a 108 cieux dans le bouddhisme, le Tai Chi est composé de 108 mouvements, le yoga sacralise les 108 salutations au soleil pour réaligner le corps. Pour la petite histoire le 1 symbolise la présence, par opposition au 0 qui est l’absence, alors que le 8 symbolise l’union du corps et du mental. 108 représente ainsi l’état de « samadhi », forme ultime de la méditation et de la paix intérieure.


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Le wat pho est immense et comprend une importante école de massage, de nombreux temples (on compte plus de 1000 bouddhas dans le complexe), de l’art contemporain offrant des mises en perspective d’œuvres anciennes, un musée du massage, 80 statues représentant 80 poses de yoga…


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On assiste aussi dans le temple de « l’ubosot » (salle de l’assemblée) à ce qui est sans doute la cérémonie la plus importante du temple : la cérémonie des vœux monastiques. Étrangement, lors de notre visite, c’était un Américain de Boston qui était en train d’être intronisé moine. Pour ceux que cela intéresse, une explication détaillée du rituel est consultable ici : http://khon-kaen.over-blog.com/2018/01/passage-a-la-vie-de-moine-wat-pho-khon-kaen-thailande.html


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Autour du temple, 71 chedis contiennent des reliques royales et achèvent de faire du Wat Pho le temple majeur de Bangkok. À la fin de la visite nous ne résistons pas à un massage prodigué par la célèbre école du temple. Malheureusement, en regardant notre montre on se dit que la demi heure d’attente se rajoutant à l’heure qui affiche déjà 13h30, risque de nous mettre en retard sur le planning de notre dernière journée.


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On arpente donc Bangkok à la recherche d’un bateau public qui va nous permettre de rejoindre le grand mall : Icon Siam, qu’on vante comme étant le plus beau grand magasin de la ville. Étant pressés, le voyage en bateau est parsemé de petits retards (on ne comprends pas qu’il fallait changer de bateau entre les deux rives et on fait 3 fois le trajet), qui nous conduisent à arriver à Icon Siam seulement à 14h30.


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Le gigantesque Mall est luxueux, la façade brille des grands noms des marques de luxe comme Cartier ou Vuitton et l’intérieur propose 7 étages de shopping avec au rez-de-chaussée un étonnant marché flottant intérieur (on ne navigue pas dessus mais l’architecture et des canaux artificiels participent à l’ambiance). Excès de grandeur, on ne sait plus où donner de la tête et on ne trouve pas forcément les petits produits typiques espérés mais on fait tout de même de petits achats alimentaires avant de partir.


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À l’origine nous avions un massage prévu de l’autre côté de la ville dans le quartier chic de Thong Lor à 17h, mais nous parvenons à le décaler à 18h. Le temps file et pour accélérer la traversée de la ville, alors que le soleil se couche, nous prenons deux motos taxis qui se faufilent à grande vitesse dans les énormes embouteillages du soir. Sensations fortes pour Diane qui se fait mener par un pilote, un peu moins pour moi (ce qui n’est pas un mal), on a toujours un doute quand on parcourt 40 minutes sans casque au milieu d’un trafic aussi fou. Le dernier massage nous relaxe mais à 19h15 on se rend compte que le combat de boxe commençait à 19h et non 20h !



Sur l’application Grab, je vois que nous en avons pour 27mn en scooter et 32 en voiture, je choisis la voiture pour être avec Diane mais le trafic congestionné à raison du Grab. On se reporte sur un taxi. Malheureusement vers 20h il nous dépose au mauvais endroit, on montre le plan, il nous dispute en nous disant « il faut dire boxe ». On en prend pour notre grade mais vers 20h30 on arrive enfin dans le stade mythique de Rajadamnern (quand on prononce le nom, on comprend peut-être pourquoi le chauffeur n’avait pas compris).


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Malheureusement nous avons raté 1h30 de combats mais il reste encore 1 heure et le spectacle est au rendez-vous.


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Le KO rapide du deuxième combat après le deuxième round mange un peu de notre chance de rester plus longtemps, mais on apprécie la technique du combattant ! Le lundi ne semble pas le jour le plus prisé mais on est tout de même très impressionnés. Nous n’avions jamais vu de combat de boxe et la vitesse des coups, l’ambiance musicale avec des jeux de tambours exécutés derrière nous, l’arbitrage et l’animation ont une saveur inoubliable.


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Vers 21h30 / 22h nous nous dirigeons enfin vers une rue célèbre de Bangkok que nous avions contourné jusque là: Khaosan Road. Après une vingtaine de minutes de marche dans un quartier plus pauvre que ce que nous avions vu jusque là, nous arrivons dans la célèbre rue des backpackers occidentaux. L’ambiance est à la hauteur de la déception : grosses basses, musique qui écrase tout, rabatteurs, mauvaise street food. De la beauté à la laideur, la Thaïlande nous fait une nouvelle fois le coup de la douche froide après la douche chaude. C’est aussi ça le pays. Étrange fin de voyage, vers 22h30/23h on s’exfiltre dans le dernier restaurant un peu calme du quartier…un Mc Do. Diane a le bon goût de tester la formule locale (poulet épicé et riz) alors que je prend le classique américain. Un énorme sapin de noël lumineux est dressé sur le rond point qui s’offre à notre vue. On y prendra un dernier taxi pour arriver au Baiyoke Sky hôtel vers minuit. Depuis ce matin, on essayait de retenir le temps mais il s’est étiolé jusqu’à ce que nous retrouvions notre valise.



Nous empruntons le « Sky train » et sur ses rails surélevé disons au revoir au pays. Comme un dernier clin d’œil, un écran publicitaire vidéo voit défiler quatre spot. La première, plus viril que tout ce qu’on peut voir chez nous, fait la promotion d’un énorme pick-up Mitsubishi à l’aide de mouvements de camera aériens qui viennent dire que « c’est du lourd », la seconde, toujours adressée aux hommes, vante les vertus du collagène pour avoir de belles lèvres sensuelles, le Thaïlandais viril se féminise d’un coup dans cette publicité sur fond rose valorisant un homme aux traits androgynes, la troisième, toujours ciblant les hommes, ridiculise un homme en lui faisant jouer un rôle grotesque de père de famille un peu bête qui n’a pas de carte de station service ; enfin la quatrième signée Uniqlo s’adresse aux femmes en vantant la beauté des corps filiformes et légers. Quatre derniers visions publicitaires d’un pays décidément pas aussi facile à ranger dans notre catalogue de stéréotypes.


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Comme souvent, le voyage s’achève avec le drôle de sentiment du retour à la maison, si proche et si loin. Comme les nœuds routiers de Bangkok, un voyage n’est jamais une ligne droite c’est plutôt une succession de ronds. On va, on revient, on approfondi, on croit savoir, on apprend encore, on découvre, on se désillusionne, on espère et on regrette. Tous les sentiments du monde passent en deux semaines et nous nourrissent à jamais de nouvelles expériences qui rendent le monde un peu plus petit et notre vision du monde tellement plus riche. La plus grande valeur des voyages est sans doute d’affranchir la barrière de l’image de l’ailleurs ; avec la réalité tout devient tangible et « l’autre » s’humanise. Paul Valéry disait « mettons en commun ce que nous avons de meilleur et enrichissons nous de nos mutuelles différences » (c’était aussi la devise du lycée international que j’ai fréquenté). Le vœu est peut être pieux à l’échelle d’un simple voyage, cependant c’est le même esprit qui anime ces rencontres et rapprochements du bout du monde, ils nous rendent intérieurement plus humbles et complexes.


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Alors que nous survolons l’Irak au petit matin, l’enneigé Mont Ararat surgit en arrière plan de la vallée du croissant fertile et du désert. Nouvelle fenêtre vers l’inconnu.



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